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plication avec cette ténacité ingénieuse et convaincue qui rend sa sagesse si originale.


IV


En étudiant l’inspiration morale du poème, nous venons d’indiquer déjà quelques-uns de ses mérites littéraires les plus frappants. Il y en a d’autres toutefois dont nous n’avons encore rien dit et qu’il serait bien injuste de passer sous silence.

Si chaque voix humaine a un son qui lui est propre et qui la fait reconnaître entre mille autres, on peut dire aussi que chaque vrai poète a dans son accent quelque chose do spécial, qu’on imite quelquefois, mais qu’on ne reproduit jamais. L’accent personnel d’Hésiode est fait de rudesse, de familinrilé, d’ironie mordante, de bonhomie, d’amertume, de grâce sérieuse, en un mot d’une foule de choses contradictoires qui parfois éclatent en lui toutes à la fois. Il a du laisser-aller et de la solennité, il parle en prophète et en paysan, et il mêle à tout cela une sensibilité voilée, qui vous va au cœur. Le bon sens ferme, énergique est la note dominante de sa poésie; mais que de fines nuances dans ce bon sens, et que de choses non exprimées qui apparaissent dans ce qu’il dit ! Tout est court dans son poème, tout s’y découpe en groupes circoncrits, parfois en vers incisifs qui se détachent comme autant de traits. Il ne crée point de grandes scènes, comme les poètes homériques, il ne met pas en lutte les passions humaines, il ne se complaît pas à des descriptions charmantes ou terribles. Est-ce à dire que l'invention chez lui soit faible et trahisse une certaine pauvreté de génie?