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CHAPITRE III. — RHÉTORIQUE, HISTOIRE, ETC.

pendant à l’égard de ses prédécesseurs et les jugeait avec une vivacité souvent signalée[1]. Il avait du bon sens et de la mesure. Il n’enflait pas ses chiffres aussi volontiers qu’Éphore[2]. Dans les récits des choses anciennes ou fabuleuses, il semble qu’il s’en tint volontiers à la lettre des légendes. Sur quoi Polybe l’accuse tantôt de mensonge[3], tantôt de ridicule superstition[4]. Mais cette exactitude valait peut-être mieux que les interprétations maladroitement rationalistes de l’école d’Éphore. Enfin son souci de la chronologie était célèbre. Dans le chaos des différents systèmes de computation alors en usage (chaos qui avait conduit Thucydide à compter par années de la guerre et par saisons), Timée le premier essaie de mettre un peu d’ordre et de lumière : il établit des concordances entre les rois et les éphores de Sparte, les archontes athéniens, les prêtresses d’Argos, les vainqueurs olympiques ; il ramène tous les systèmes à ce dernier, et se fait gloire d’établir ainsi la date d’un fait à trois mois près[5]. Polybe raille cette minutie, mais il en profite pour son propre compte, et tous les historiens, après Timée, ont compté par Olympiades. Ramener les différents systèmes chronologiques à l’unité était assurément rendre à la science historique un grand service.

Voilà donc bien des mérites à porter au compte de l’érudit. Les défauts, par malheur, étaient considérables aussi. Ils venaient de deux sources : sa science était toute « livresque », et elle était infestée de rhétorique. Sur ces deux points, il faut donner pleinement raison aux attaques de son impitoyable adversaire.

  1. Polyb., ibid.
  2. Cf. Diodore, XIII, 54 ; 60 ; 80 ; XIV, 54. Passages cités par C. Müller, p. LVI.
  3. Polybe, XII, 4 d.
  4. Polybe. XII, 24, 5. Cf. Pseudo-Longin, Sublime, IV, 3 (fragm. 103 de Timée).
  5. Polybe, XII, 11, 1. Cf. Diodore, V, 1.