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CHAPITRE IV. — LA POÉSIE ALEXANDRINE

au contraire, Théocrite parle, autant que possible, le langage de ses héros, les pâtres de Sicile, les petites gens de Syracuse. On se tromperait pourtant si l’on y cherchait une fidélité absolue à l’usage populaire : il paraît certain que, là encore, son dialecte est une langue littéraire, où des formes de la langue commune, des souvenirs de la tradition poétique, des fantaisies parfois, et peut-être des inexactitudes d’érudition, mêlent assez arbitrairement des formes quelque peu hétéroclites[1]. Le trésor de la langue grecque était alors si prodigieusement riche, que ces mélanges, conformes d’ailleurs à la tradition, étaient inévitables même pour un poète qui eût voulu les éviter : or rien ne prouve que Théocrite se soit refusé le droit de faire comme ses prédécesseurs.


Quel que soit d’ailleurs, chez un poète grec, l’intérêt du dialecte, c’est surtout dans le choix des mots et dans la structure de la phrase que réside le secret de son style.

Les mots de Théocrite ont une rare saveur. Même dans ses récits épiques, par exemple dans Héraclès enfant ou dans Héraclès tueur du lion, la qualité plastique et sensible de son vocabulaire, la simplicité hardie et colorée avec laquelle il met les choses sous nos yeux, éclate sans cesse. Mais c’est surtout dans les idylles proprement dites, dans la peinture de la : vie rurale, que son originalité est frappante. Il appelle les choses par leur nom : il désigne avec précision les plantes, les arbres, les animaux ; il sait quels sont les fruits dont les

  1. Cf. les notes des éditeurs, en particulier celles de Ziegler. V. aussi La langue de Théocrite dans les Syracusaines, p. Quillard et Gollière (Paris, Croville-Morant, 1888). Ouvrages d’ensemble sur la question : Schultz, Die Mischung der Dialecte bei Theokrit, Culm, 1872 ; Morsbach, De dialecto Theocritea, Bonn., 1814. Cf. aussi Legrand, p. 234-254.