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THÉOCRITE POÈTE ET ÉCRIVAIN

parfums se confondent dans la senteur de l’été ; il nomme les arbres qui se penchent sur la fontaine de Bourina ; il désigne avec précision le taureau qui menace, le bouc entier, la vache amaigrie et malade, l’odeur de la présure ; il n’a pas de vains scrupules de noblesse et de fausse élégance. Il imite le sifflement des bergers rappelant leur troupeau (σίττα), et le cri moqueur de la jeune fille qui s’enfuit (ποππυλιάζει[1]). S’il parle d’amour, il montre les bras jetés autour du cou (ἀγκὰς ἔχων τύ[2]) ; il a des expressions d’une tendresse naïve et profonde (τὸ καλὸν πεφιλημένε[3]). Avec cela, le mot simple et large qui, d’un seul trait, évoque la grandeur de la montagne ou de la mer, la douceur du ciel, la fraîcheur de l’ombre, l’abri du rocher. Les épithètes sont relativement rares : il n’use guère des composés dithyrambiques qui détonneraient dans le langage de ses paysans ; mais il a des adjectifs expressifs, qui traduisent l’intensité de la sensation, des métaphores vives, des mots qui font image. Il n’y a rien d’inutile dans cette sobriété pleine et douce, rien d’inutile et rien de trop : chaque trait est juste et fort. Polyphème dit à Galatée :

Ô blanche Galatée ! Pourquoi repousser celui qui t’aime ? Tu es plus blanche que la neige, plus délicate qu’un agneau, plus vive qu’une génisse, plus âcre que la grappe encore verte[4].

Autour des bords de la coupe que le chevrier offre à Thyrsis, s’enroule une branche de lierre.

Un lierre saupoudré de fleurs d’hélichryse, et sur la branche souplement enlacée brillent les baies de safran[5].

  1. Idylle V, 89.
  2. Idylle VIII, 55.
  3. Idylle III, 3. Cf., à ce propos, la jolie page d’Aulu-Gelle, IX, sur Virgile comparé à Théocrite.
  4. Idylle XI, 20-24.
  5. Idylle I, 30-31.