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Page:Croiset - Histoire de la littérature grecque, t5.djvu/283

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BIOGRAPHIE

monde nouveau ; personne n’était mieux que lui en état de le comprendre et de l’apprécier. La loi de la guerre l’obligea d’y rester seize ans comme otage, et, par une chance heureuse, il se trouva presque aussitôt à la meilleure place pour bien voir le spectacle qui s’offrait à lui.

Tandis que la plupart des autres otages étaient internés dans divers municipes italiens, il obtint la faveur de rester à Rome, grâce à l’amitié de Fabius et de Scipion, les fils de Paul-Émile[1]. Lui-même a raconté avec beaucoup de grâce les origines de cette amitié[2]. Polybe, qui avait peut-être connu leur père dans un voyage que celui-ci avait fait à Mégalopolis, eut l’occasion de leur prêter des livres. On causa des livres prêtés. Une amitié sérieuse naquit et se développa d’abord entre Polybe et Fabius : puis Scipion, plus jeune, moins brillant que son frère, réclama sa part de cette amitié avec une modestie touchante[3]. Polybe s’y prêta volontiers, et devint pour lui comme une sorte de précepteur paternel que l’affection et le respect de son jeune élève ne tardèrent pas à récompenser[4]. Au bout de peu de temps, Polybe était tout à fait de la maison. Il y connut Lælius. Il vit toute l’aristocratie romaine, fut initié à tous les secrets. Pour un observateur tel que lui, c’était un poste incomparable.

En 150, il obtint le droit de rentrer dans sa patrie avec les autres otages[5]. Il usa de ce droit, mais Rome était désormais pour lui une seconde patrie, et il y revint souvent, soit pour y séjourner, soit pour accompagner Scipion dans ses campagnes. Il était auprès de lui

  1. Polybe XXXII, 9, 5.
  2. id., ibid. 9-11.
  3. En 164, car Scipion avait alors dix-huit ans (Polybe, ibid.).
  4. Cf. Polybe, XXXIX. 6, 3 (καὶ γὰρ ἦν αὐτοῦ καὶ διδάσκαλος).
  5. Polybe, XXXV, 6 (discours spirituel de Caton à ce sujet, et causerie avec Polybe après le vote).