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DENYS D’HALICARNASSE

d’esprit et de caractère qui était propre à cette société. Ses passions de critique étaient singulièrement vives, et elles lui dictaient parfois d’étranges jugements. « Il aimait Lysias plus que lui-même, nous dit l’auteur du Traité du sublime, mais il détestait Platon plus encore qu’il n’aimait Lysias[1]. » Voilà un trait qui définit un homme. Au demeurant, plus lettré qu’aucun autre, et, autant qu’on peut en juger, supérieur à Denys en hardiesse et en variété d’aperçus[2].

Comme critique, Cécilius semble avoir pris à tâche de faire connaître, d’expliquer, de louer et d’enseigner l’atticisme. Il avait signalé les mérites de la langue attique dans une sorte de lexique raisonné (Ἐκλογὴ λέξων κατὰ στοιχεῖον), qui semble avoir porté aussi le titre de Καλλιρρημοσύνη[3]. Sa grande passion pour Lysias et sa haine de Platon pourraient faire craindre, il est vrai, qu’il n’ait compris l’atticisme d’une manière étroite, à la façon de Licinius Calvus et de Brutus. Mais il faut remarquer qu’une certaine malveillance à l’égard de Platon était alors chose commune chez tous les rhéteurs ; rivaux des philosophes dans l’éducation, il leur était désagréable qu’on leur proposât, comme modèle d’écrivain, un philosophe. Et quant à Lysias, tout en l’aimant avec une sorte de prédilection, Cécilius pouvait ne pas méconnaître en quoi il était resté inférieur aux orateurs de la génération suivante. Ce qui doit faire croire qu’il pensait ainsi, c’est qu’il s’occupa dans ses écrits, non de lui spécialement, mais de tous les orateurs attiques, et plus particulièrement même de Démosthène. Dans un traité Sur les dix orateurs attiques (Περὶ τοῦ χαρακτῆρος

  1. Du Sublime, ch. xxxii, p. 8.
  2. Plutarque l’appelle « un homme supérieur en tout », περιττὸς ἐν ἅπασι Καικίλιος (Vie de Démosth., ch. iii, 1).
  3. D’après la notice de Suidas, ingénieusement corrigée par Rohde, Griech. Roman, 396.