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Page:Croiset - Histoire de la littérature grecque, t5.djvu/475

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PHILOSOPHIE MORALE APRÈS DOMITIEN

plus rien à entreprendre, puisqu’on est gouverné, pacifié, défendu et contrôlé ; mais mouvement qui fait du moins illusion, qui amuse et occupe les yeux et les esprits, et qui se propage naturellement de la société à la littérature. Il s’y manifeste presque en même temps, dès la fin de ce premier siècle, dans la philosophie et la rhétorique. Commençons par la philosophie, puisque c’est elle qui a produit d’abord les œuvres les plus remarquables.

II

Durant les règnes des premiers Césars, la philosophie, appliquée à la conduite de la vie, était devenue de plus en plus l’objet préféré vers lequel se tournaient les âmes éprises d’idéal. Il était naturel qu’après la chute de Domitien, ce fût elle qui profitât d’abord des temps meilleurs. Sous les premiers empereurs, depuis Tibère jusqu’à Néron, et plus tard encore, sous Vespasien et sous Domitien, elle avait été presque toujours surveillée et suspecte, quelquefois persécutée. Dans cette période militante, elle s’était durement essayée, et elle avait pris conscience de sa valeur. Les dénonciations, l’exil, les supplices l’avaient aguerrie et exaltée. Les hommes supérieurs s’étaient fait dans ces épreuves une personnalité forte, qui ne demandait qu’une occasion favorable pour se révéler dans des œuvres remarquables. Dès que le silence ne fut plus imposé, ces œuvres se produisirent.

Celui qu’il faut mettre ici en première ligne, comme le représentant le plus original de cette vertu endurcie au feu, c’est un homme qui n’a rien écrit, Épictète. Car sa parole a été si forte, si sincère, si spontanée, qu’elle est restée vivante dans les simples notes d’un disciple.