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Page:Croiset - Histoire de la littérature grecque, t5.djvu/503

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PLUTARQUE ; SA VIE

avait chanté Hésiode. Il appartenait à une ancienne famille de pure race hellénique, qui semble avoir été établie sur ce sol béotien de temps immémorial. Vieille famille et vieux domaine, foyer tout entouré de traditions, maison de forte et intelligente bourgeoisie, de mœurs simples et antiques, pleine de religion et de patriotisme, et, malgré cela, nullement fermée aux idées du jour. Les vieillards y étaient réfléchis et conteurs, à la vieille manière grecque. Plutarque entendit longtemps les récits de son grand-père Lamprias, qui vécut assez pour voir ses petits-fils déjà parvenus à l’âge d’homme ; et il recueillit de sa bouche des anecdotes historiques qui remontaient à un arrière-grand-père, Nicarque, contemporain du triumvir Antoine, de l’égyptienne Cléopâtre et du vainqueur d’Actium. Le temps de son enfance fut celui où la Grèce se relevait lentement de ses misères. Cette aimable demeure de Chéronée, au milieu de ses prairies et de ses vergers, retrouvait alors sa large aisance, moitié urbaine, moitié rustique, et sa bonne humeur traditionnelle. Le grand-père animait les réunions de sa gaieté malicieuse et de ses récits. Le père, homme droit et sensé, y parlait affaires, culture, élevage, intérêts domestiques, sans dédaigner de prêter l’oreille aux discussions philosophiques de ses hôtes : car il était hospitalier, en Hellène de bonne race, toujours prêt à écouter et à s’ouvrir aux choses du dehors. Sous ces influences réunies, et tout simplement en se laissant vivre, Plutarque et ses frères, Lamprias et Timon, s’imprégnaient de tout ce que la Grèce, en sa longue tradition, avait amassé peu à peu de plus excellent.

Quand il approcha de sa vingtième année, déjà tout nourri des poètes nationaux, dont les vers devaient habiter son âme jusqu’au dernier jour, il vint passer plusieurs années à Athènes, au milieu de ces maîtres et