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Page:Croiset - Histoire de la littérature grecque, t5.djvu/600

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CHAP. IV. — SOPHISTIQUE SOUS LES ANTONINS

préoccupation manifeste de l’auteur est d’ajuster et d’équilibrer ses phrases. Pour cela, il faut que la pensée se divise en une série de petits membres de même forme et de même étendue, qui se groupent en périodes, ou plutôt en strophes. Soumises à ce traitement, les idées s’allongent ou se raccourcissent, se multiplient, se coupent en morceaux, selon les besoins de la construction. Il serait vain de se demander si l’auteur peut être sincère, s’il cherche sérieusement la vérité, s’il est capable d’examiner à fond une question délicate. Toutes les ressources de l’amplification sophistique forment le tissu même de ses développements : citations des poètes, comparaisons superficielles, énumérations, exemples de fantaisie ; tout l’arsenal du bel esprit, tout le clinquant qu’on prenait en ce temps pour de l’or[1].

S’il faut chercher une doctrine sous ce verbiage prétentieux, celle de Maxime de Tyr est un platonisme éclectique, qui fait des emprunts, selon les sujets et les occasions, à l’aristotélisme, au stoïcisme, au néopythagorisme, et qui ne se défend guère que de l’épicurisme[2]. Elle offre quelque intérêt pour l’histoire de la philosophie, justement par cette façon d’amalgamer des idées de toute provenance, qui est caractéristique du temps, et aussi parce qu’à certains égards, notamment par la croyance aux démons, elle annonce, comme les écrits de Plutarque, l’avénement prochain du néoplatonisme[3]. Mais si l’on était tenté, d’après les titres de quelques-unes des dissertations de Maxime, de voir en lui un moraliste, au vrai sens du mot, c’est-à-dire un homme qui

  1. C’est ainsi qu’il touche à des sujets admirables et n’en tire presque rien. Voir, en particulier, les quatre dissertations XXIV-XXVII, Sur l’érotique de Socrate.
  2. Voir Zeller, Ph. der Gr., t. V, p. 203 sqq.
  3. Dissertations XIV et XV, Sur le génie de Socrate (Περὶ τοῦ Σωκράτους δαιμονίου).