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CHAP. V. — HELLÉNISME ET CHRISTIANISME

dans sa jeunesse en causant avec des officiers plus âgés, donnait alors un intérêt nouveau à cette étonnante expédition du conquérant macédonien, qui avait mené pour la première fois des armées régulières au delà de l’Euphrate et du Tigre.

Avec un scrupule qui n’était pas ordinaire dans l’antiquité, Arrien nous a fait connaître ses sources à la première page de son livre[1]. Entre tous les historiens d’Alexandre, il a choisi, nous dit-il, Ptolémée et Aristobule comme les plus dignes de foi, parce que tous deux avaient pris part à l’expédition et que tous deux avaient écrit après la mort du conquérant. C’est de leurs récits qu’il tire la substance du sien. Le rôle qu’il revendique est de les comparer ; s’ils sont d’accord, il ne fait que les suivre, on se réservant seulement d’éliminer les choses trop peu dignes d’intérêt ; en cas de désaccord entre eux, il se décide selon la vraisemblance. En outre, ajoute-t-il, il a lu la plupart des autres récits, et, lorsqu’ils lui ont paru mériter de n’être pas entièrement passés sous silence, il en a fait mention en usant de la formule on dit (λέγεται), ou d’autres analogues. Les travaux critiques qui ont été faits de nos jours sur les sources d’Arrien ont démontré l’exactitude de ces déclarations[2]. On peut donc dire que son récit relève constamment de ceux de Ptolémée et d’Aristobule et qu’il a, au point de vue historique, à peu près la valeur qu’ils avaient eux-mêmes ; avec cette différence toutefois, qu’il a effacé par système ce qu’il y avait sans doute de plus caractéristique chez l’un et chez l’autre comme tendance personnelle, pour s’en tenir à une vraisemblance moyenne. Ainsi conçu, l’ensemble du récit n’a rien qui éveille la défiance ; le merveilleux en est banni, sauf les présages, que la dévotion du narrateur aime à enregistrer ; partout appa-

  1. Expéd. d’Alex., préface.
  2. Pauly-Wissowa, art. cité.