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CHAP. V. — HELLÉNISME ET CHRISTIANISME

tâche était facile ; le mérite eût été de s’en acquitter méthodiquement et de tirer de cette enquête des conclusions sur la manière d’écrire l’histoire. Il ne semble pas que Philon s’en soit aperçu. C’est dans des dispositions analogues qu’il composa l’ouvrage auquel son nom a dû surtout de survivre, à savoir l’Histoire des Phéniciens, en neuf livres (Φοινικικὴ ἱστορία)[1]. Cette histoire la donnait pour une traduction du prétendu Sanchoniathon, philosophe de Tyr ou de Sidon ou de Bérytos, plus ancien que la guerre de Troie[2]. Elle traitait des origines divines selon les Phéniciens, cosmologie et mythologie. Au dire de Philon, la vérité sur toutes ces choses, autrefois recueillie par un certain Taaut (Τάαυτος), avait été altérée dans les livres sacerdotaux ; Sanchoniathon l’avait rétablie ; et lui, Philon, avait eu la bonne fortune de retrouver ces écrits véridiques, qu’il se faisait un devoir de donner au public en les traduisant du phénicien en grec. Il nous reste de cette prétendue traduction d’importants fragments, conservés surtout par Eusèbe (Prép. évang., I, c. 9 et 40 ; IV, c. 16). L’auteur est un évhémiriste décidé ; à la manière d’Évhémère, il transforme toute la vieille mythologie phénicienne en une histoire de convention, dans laquelle les dieux deviennent des hommes. Hérennius Philon avait-il inventé de toutes pièces son Sanchoniathon, ou bien l’avait-il emprunté à d’autres historiens inventeurs ? On ne saurait le dire. Quoi qu’il en soit, son ouvrage est resté important pour les études phéniciennes ; car, tout en arrangeant les vieilles traditions, il s’en fait le témoin[3]. Du reste, dans son intention, son livre était surtout, à ce qu’il semble, une attaque indirecte contre la religion hellénique ; car

  1. Fragments réunis dans Didot-Müller, ouv. cité, p. 563 et suiv.
  2. Suidas, Σαγχωνιάθων. Cf. Eusèbe, Prép. évang.
  3. Movers, Ueber die Religion d. Phoenizer, Bonn, 1841, p. 138. Cité dans Didot-Müller, p. 562, en note.