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CELSE

Du même fond de philosophie procède un des livres curieux de ce temps, celui que le platonicien Celse avait écrit contre le christianisme, sous le titre d’Exposé de la vérité (Ἀληθὴς λόγος). Nous ne connaissons rien de la personne ni de la vie de l’auteur[1]. Quant à son livre, bien que perdu, il a pu être restitué en partie par les citations qu’en a faites Origène en le réfutant[2]. Autant que nous pouvons encore en juger, c’était une œuvre de discussion acerbe, mais sérieuse, qui marque une date dans l’histoire morale de l’hellénisme. Pour la première fois, il se sentait menacé, quoique vaguement encore, et il éprouvait le besoin de se défendre. Celse a vu, avec un sentiment qui paraît avoir été un mélange d’inquiétude, d’impatience et de pitié, le mouvement qui commençait à entraîner vers le christianisme beaucoup d’esprits hésitants[3]. Ce mouvement, avec ce qu’il comportait de foi, lui a paru une sorte d’abandon de la raison ; et c’est de ce point de vue tout hellénique qu’il le juge. Si l’on essaie de grouper ses objections en négligeant les détails, les points essentiels de sa critique paraissent avoir été les suivants. D’abord, la notion fondamentale du christianisme, celle d’un dieu fait homme, lui est inintelligible : il la combat, historiquement et logiquement, par la discussion des té-

  1. Sur Celse, les principaux ouvrages à consulter sont : Baur, Kirchengeschichte, I, 382-409 ; Keim, Celsus Wahres Wort, Zurich, 1873 ; Pélagaud, Étude sur Celse, Lyon, 1878 ; Aubé, Le Discours véritable de Celse, Paris, 1878 ; O. Heine, Philol. Abhandl. zu Ehren Mart. Hertz, 1888, p. 197-214. Ce dernier paraît avoir établi qu’il est impossible de confondre le platonicien Celse avec l’épicurien du même nom auquel Lucien a dédié son Alexandre.
  2. Keim, ouv. cité, a dépouillé les huit livres du traité d’Origène contre Celse et en a tiré le pamphlet de Celse, morceau par morceau.
  3. L’Ἀληθὴς λόγος paraît avoir été écrit dans les dernières années du règne de M. Aurèle, en 171-178, selon Keim (p. 261 sqq.) et Pélagaud (p. 189 sqq.).