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CHAP. V. — HELLÉNISME ET CHRISTIANISME

moignages qu’elle invoque et par celle des idées qu’elle implique. Puis, au delà du récit évangélique, il découvre dans le christianisme une conception du gouvernement du monde qu’il ne peut accepter : c’est celle d’un Dieu qui se conduit par des décisions changeantes et particulières : conception à laquelle il oppose son déterminisme rationaliste. Enfin, considérant l’intérèt public, il s’inquiète, en politique réfléchi, de cette religion qui n’a point de patrie, el il estime qu’il est bon que les hommes restent attachés au culte de leurs pères, à leurs coutumes, à leurs dieux locaux et nationaux, en d’autres termes, que la religion, tout en se faisant philosophique, s’arrange des formes anciennes et particulières qui se sont transmises d’âge en âge. Ce sont là, comme on le voit, d’intéressantes et sérieuses pensées ; et si, d’une part, elles jettent une vive lumière sur l’hellénisme du second siècle, de l’autre il est curieux de noter combien elles font ressortir les ressemblances de la philosophie grecque avec le rationalisme moderne.

À côté de ces platoniciens, une place importante appartient, dans l’histoire des idées de ce temps, au pythagoricien Nouménios, d’Apamée en Syrie[1]. C’est, de tous les penseurs qui ont vécu au siècle des Antonins, celui qui doit être considéré comme le précurseur le plus immédiat du néoplatonisme. Un de ses principaux écrits avait pour titre Comment l’Académie s’est éloignée de Platon (Περὶ τῆς τῶν Ἀκαδημαϊκῶν πρὸς Πλάτωνα διαστάσεως). Un autre, en trois livres au moins, traitait du

  1. On ne sait rien de sa vie. La courte notice de Suidas (Νουμήνιος Ἀπαμεύς) n’en fixe même pas l’époque. Mais celle-ci résulte approximativement du caractère de sa philosophie et de ce double fait que lui-même est nommé pour la première fois par Clément d’Alexandrie, et que son disciple Harpocration fut aussi l’élève d’Atticos, qui enseignait, comme on l’a vu, sous Marc-Aurèle.