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LE ROMAN ; HÉLIODORE

conque. Si donc le roman d’Apollonius est postérieur aux Éphésiaques, on ne peut pas dire qu’il marque un progrès du genre, malgré son succès, dû en grande partie au merveilleux plus ou moins pathétique dont il abonde. L’œuvre la plus considérable qu’ait produite dans la littérature grecque l’imagination romanesque est celle d’Héliodore, intitulée les Éthiopiques (Αἰθιοπιϰά) ou Théagène et Chariclée, en dix livres. Il n’en est d’ailleurs aucune où se découvre mieux, sous des qualités réelles, et en raison même de ces qualités, l’impuissance radicale de ce temps à dégager le principe de vérité qui seul aurait pu donner au roman une solide valeur.

L’auteur s’est nommé lui-même à la fin de son livre : « Héliodore, phénicien, d’Émèse, de la race du soleil, fils de Théodose »[1]. Selon l’historien Socrate, qui écrivait dans la première moitié du ve siècle, « on disait » que cet Héliodore n’était autre qu’un évêque de Tricca en Thessalie, auquel il attribue l’origine d’une coutume propre à cette province[2]. La forme même de ce témoignage ne permet pas d’en faire grand cas. De nos jours, Rohde a démontré qu’il devait être absolument rejeté : le syrien Héliodore ne peut avoir rien de commun avec le chrétien en question[3]. Retenons donc seulement, du dire de Socrate, qu’il a écrit nécessairement avant la fin du ive siècle. Mais son œuvre, comme Rohde l’a fait voir, a une couleur néo-pythagoricienne, qui convient sur-

  1. Nous n’avons aucune notice sur lui. Nos seuls renseignements sont ceux que nous discutons dans le texte.
  2. Photius, cod. 73, s’exprime de même : τοῦτον δὲ (Héliodore) ϰαὶ ἐπισϰοπιϰοῦ τυχεῖν ἀξιώματος ὕστερόν φασι. — Nicéphore Callistos, qui écrivait au XIVe siècle son Histoire ecclésiastique, en sait plus long. Il raconte (XII, 34) qu’Héliodore, ayant composé les Éthiopiques dans sa jeunesse, fut sommé par le synode de Thessalie, lorsqu’il était évêque, de les supprimer ou d’abandonner l’épiscopat. Il se démit de ses fonctions plutôt que de brûler son œuvre.
  3. Rohde, Griech. Rom., p. 432 sqq.