Page:Croiset - Histoire de la littérature grecque, t5.djvu/814

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
796
CHAP. VI. — DE SEPTIME SÉVÈRE À DIOCLÉTIEN

tout au siècle où la Vie d’Apollonios de Tyane par Philostrate était lue avec dévotion[1]. On peut ajouter qu’on y sent aussi l’influence de cette sorte de religion homérique qui se manifestait si curieusement dans l’Héroïque de Philostrate de Lemnos[2]. En outre, quoique l’auteur transporte l’action au temps où l’Égypte était une province perse, l’idée qu’il nous donne de l’Éthiopie, la mention des Axiomites, alliés de ce royaume, semblent se rapporter à l’état de choses que nous laisse entrevoir l’histoire dans la seconde moitié du iiie siècle. Ainsi enfin s’expliquerait la prédominance qui est donnée dans l’œuvre tout entière à la religion du soleil, fort en honneur, comme on le sait, au temps de l’empereur Aurélien (270-275).

Le fond du roman est l’histoire d’une jeune princesse d’Éthiopie, abandonnée dès sa naissance par sa mère, la reine Persina. Transportée à Delphes et, là, élevée par le grec Calliclès sous le nom de Calliclée, elle s’éprend du beau thessalien Théagène ; tous deux s’engagent l’un à l’autre. Pour obéir à un oracle, ils quittent Delphes sous la conduite du sage égyptien Calasiris, et, après plusieurs aventures, sont jetés par un naufrage en Égypte, aux bouches du Nil. Là, ils deviennent vraiment le jouet de la fortune. Nous les voyons aux mains des pâtres-brigands, ou Boucoles, établis dans les marais du Delta ; puis à Memphis ; tantôt rapprochés, tantôt séparés ; exposés à de terribles dangers, surtout par suite de la passion qu’Arsace, femme du satrape d’Égypte, Oroondatès, conçoit pour Théagène. Ils y échap-

  1. Le souvenir précis de cet ouvrage se retrouve peut-être dans la façon dont sont représentés les Gymnosophistes d’Éthiopie, qui ressemblent fort aux sages Indiens de Philostrate.
  2. Voir en particulier le passage du l. II relatif aux Ænianes, à Achille, à Néoptolème et à Théagène, leur descendant ; ou encore, au l. V, l’apparition d’Ulysse à Calasiris.