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CHAP. VI. — DE SEPTIME-SÉVÈRE À DIOCLÉTIEN

de l’ignorance à la pleine connaissance, par une série méthodique d’initiations graduées. Là est le vice intime de son œuvre, ce qui en fait un livre suspect, et ce qui lui a valu auprès de ses nombreux lecteurs un succès d’assez mauvais aloi. Vice moral et vice littéraire, en même temps. Car non seulement l’auteur s’arrête avec complaisance à des scènes libertines, mais il prête simultanément à ses héros une ignorance prolongée et une curiosité incessante qui sont contradictoires. Nous sentons qu’il y a, dans ces inquiétudes qui s’analysent si savamment, dans ces plaintes raffinées, et surtout dans ces recherches malsaines, quelque chose de faux, qui a la prétention d’imiter la nature et qui en réalité la sophistique[1]. La traduction d’Amyot, revue par Paul-Louis Courier, a bien pu atténuer pour les lecteurs français les défauts du style de l’original, lui prêter une apparence de naïveté et de simplicité qui est très éloignée de son vrai caractère ; elle ne fait pas disparaitre cette tare native, qui est la marque d’un âge de décadence.

V

La poésie du iiie siècle, si pauvre qu’elle soit, ne peut pas être ici entièrement passée sous silence. Mais c’est lui faire toute la part qu’elle mérite que de la caractériser en quelques mots. Dans tous les genres, elle continue très obscurément celle du siècle précédent, sans rien innover, sans rien rajeunir, vide d’idées et de sentiments, dénuée d’imagination, et, bien souvent, n’ayant plus même pour elle la correction ni l’élégance de la forme.

  1. Lire à ce sujet S. Marc Girardin, Littérat. dramat., IV, ch. liii, en se défiant pourtant d’une certaine exagération qui s’y fait sentir.