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Page:D’Alembert - Œuvres complètes, éd. Belin, I.djvu/456

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SUR LE MOUVEMENT

L’insuffisance du principe des forces vives pour conduire à une théorie lumineuse sur le mouvement des fluides, paraît avoir été un des principaux motifs qui ont engagé le célèbre Jean Bernoulli à composer sa nouvelle Hydraulique, imprimée en 1743, dans le recueil de ses œuvres. J’ai donné dans un article particulier le précis de la méthode de ce grand géomètre, et des difficultés qu’il m’a paru qu’on y pouvait opposer. On verra, si je ne me trompe, par l’exposé que j’en ai fait, qu’il reste encore dans la théorie de Bernoulli de l’incertain et de l’arbitraire. Son principe général se déduit d’ailleurs si facilement de celui des forces vives, qu’il paraît n’être autre chose que ce dernier principe présenté sous une autre forme. Aussi cherche-t-il à confirmer sa méthode par des solutions indirectes appuyées sur la loi de la conservation des forces vives.

Long-temps avant MM. Bernoulli, l’illustre Newton avait donné dans ses Principes un léger essai sur la matière dont il s’agit. Tout le monde connaît sa fameuse Cataracte. Mais quelque ingénieuse qu’en puisse être la formation, on ne peut s’empêcher de reconnaître qu’elle est fondée sur un grand nombre de suppositions purement gratuites, démenties presque toutes par la théorie et par l’expérience. L’application et l’usage de mes principes, et les objections de Bernoulli contre cette même cataracte, suffiront au lecteur pour juger de la vérité de ce que j’avance ici.

J’ose me flatter, si une aveugle prévention pour mon propre ouvrage ne me séduit point, qu’on conviendra sans peine de la simplicité et de la fécondité des principes que j’ai substitués aux méthodes des géomètres que je viens de citer. Mon dessein n’est point ici de déprimer le travail de ces grands hommes : mais les sciences telles que celle-ci, sont de nature à se perfectionner toujours de plus en plus : aidés des lumières que les savans qui nous ont précédés ont répandues sur des matières obscures, nous sommes quelquefois assez heureux pour avancer plus loin qu’ils n’ont fait dans les routes qu’eux-mêmes nous ont tracées ; et si nous osons les combattre, c’est avec des armes que nous tenons d’eux.

Je ne prétends pas cependant avoir surmonté toutes les difficultés qu’il pouvait y avoir à vaincre dans une matière si délicate. Il y a des cas où les mouvemens des particules sont si subits et si peu réguliers, qu’ils ne laissent, pour ainsi dire, aucune prise au calcul, et que le problème demeure indéterminé. Mais il me semble que ces difficultés naissent plutôt du fond du sujet et du peu de connaissances que nous avons sur les fluides, que de la nature de ma méthode.