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CXI
INTRODUCTION.

et ne s’en peuvent distinguer. C’est pourquoi, envisagées ainsi et dans leurs exemplaires, les choses sont Dieu en Dieu, Deus in Deo. C’est de la sorte que le comprirent aussi plus tard Clément d’Alexandrie, saint Augustin, Boëce et la plupart des Pères et des docteurs de l’Église. Cette explication était empruntée au platonisme, mais purifiée par la foi catholique ; car, pour les platoniciens, les idées étaient formes improduites, éternelles, et ceci n’est point faux ; mais, de plus, et cela ne peut être admis, les idées, pour eux, étaient formes douées de valeur propre et de subsistance indépendante ; elles résidaient en Dieu, mais n’étaient pas Dieu ; comme Dieu d’une part, et la matière de l’autre, elles étaient un des trois principes de l’existence.

La création a une cause déterminante, c’est la bonté. Dieu est bon par essence. Sa bonté est infinie en soi ; elle rayonne dans l’être qu’elle daigne produire et dans le néant qu’elle couvre de sa fécondité puissante ; elle réalise les possibles ; elle a créé le monde. Ainsi le monde ne vient pas de Dieu comme un éclair sort fatalement d’un nuage ou comme une fleur de sa tige, ainsi qu’a rêvé l’Orient ; le monde n’est pas une forme de Dieu devenant l’objet de sa propre contemplation et acquérant conscience de lui-même, comme dit la philosophie allemande ; le monde n’est pas le résultat éternel d’une causalité absolue, cause parce qu’elle est substance, et ne pouvant pas plus s’empêcher d’être l’une que l’autre, comme on s’est exprimé en France. Le monde est tout simplement le produit contingent d’une activité éternelle, essentielle, mais parfaite et heureuse, et s’exerçant librement et avec une pleine indépendance en dehors d’elle-même.

Ces idées, ces types, qui sont l’objet des concepts divins, et que la bonté veut réaliser en dehors d’elle, la puissance leur donne un vêtement, une forme, des limites ; elle les individualise. Car en Dieu la force, comme l’intelligence et l’amour, ne reconnaît pas de limites. Si la distinction et la multiplicité n’étaient pas choses possibles, l’intelli-