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Page:Darboy - Œuvres de saint Denys l’Aréopagite.djvu/128

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INTRODUCTION.

que nous sommes libres, nous pouvons méconnaître l’ordre ; parce que nous pouvons le respecter, nous sommes inexcusables de l’enfreindre. Ce n’est point une injustice de nous punir ; ce ne fut point un mal de nous armer de la liberté.

En résumé, le mal n’est point un être, et il ne subsiste proprement en aucun être. Le mal, en tant que mal, n’est nulle part, et quand il se produit, ce n’est pas comme résultat d’une force, mais d’une infirmité naturellement inhérente à la créature. Pour être fondé à dire que le mal moral ne peut exister sous l’empire d’un Dieu bon, il faudrait, d’après ce qu’on vient de voir, prouver que l’idée d’une créature libre est répugnante, absurde, et qu’elle ne saurait par là même devenir l’objet d’un concept divin. En effet, ce que la sagesse infinie conçoit, l’amour peut le vouloir, et la puissance l’exécuter ; car la raison d’aimer et d’agir se trouve dans l’intelligence. Mais il est clair par tous les moyens qui rendent une vérité certaine, évidente, palpable, que les deux notions de créature et de liberté ne s’excluent nullement, et sont au contraire parfaitement compatibles. Donc Dieu a pu créer des êtres libres. Cette liberté des créatures est nécessairement imparfaite ; autrement une chose essentiellement finie aurait des propriétés infinies, ce qui est absurde. Or c’est cette imperfection, cette infirmité qui rend le mal possible. Donc pour détruire la possibilité du mal, il fallait ou bien gouverner les natures libres par une impulsion fatale et irrésistible, ou bien supprimer la classe entière des êtres doués d’intelligence et de liberté. Le premier expédient serait une véritable folie ; le second est opposé à l’intelligence que Dieu a eue du monde, et à l’amour par lequel il a daigné créer.