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DES NOMS DIVINS.


quand il est absolu et sans mélange de bien, ne saurait jamais trouver place dans la série des choses réputées bonnes : ce qui est bon par un point et mauvais par un autre, s’oppose à un bien partiel, mais non pas au bien total, et il est maintenu dans l’existence par ce qu’il a de bon, tellement que sans cette communication avec le bien, il ne serait pas même le sujet d’une privation ; car, si on la dépouille de tout bien, une chose n’est ni meilleure, ni moins bonne, ni mauvaise ; elle n’est pas. Et en effet, comme le mal n’est que l’imperfection dans le bien, si vous abolissez tout ce qu’il y a de bon, dès lors il ne restera plus aucun bien, ni parfait, ni imparfait. Ainsi le mal n’existe et ne se manifeste, qu’autant qu’il est opposé à certains êtres, et qu’il se distingue de ce qui est bon. Car il est radicalement impossible que les mêmes choses, sous un même rapport, se trouvent en hostilité réciproque. Le mal n’est donc point une substance.

XXI. Il y a plus ; le mal n’existe pas dans les substances. Car, si tous les êtres procèdent du bien, si le bien est dans toutes choses et les comprend, il faut ou que le mal n’existe vraiment pas dans les substances, ou qu’il soit dans le bien. Or il n’est pas dans le bien : car le froid n’est pas dans le feu, et cela ne peut devenir mauvais qui bonifie le mal : ou s’il est dans le bien, comment cela se fait-il ? Dira-t-on que le mal émane du bien ? mais c’est absurde, impossible ; car, comme on lit dans nos oracles sacrés, un bon arbre ne saurait porter de mauvais fruits, ni réciproquement[1]. Si le mal n’émane pas du bien, il a donc évidemment une autre origine, une autre

  1. Matt., 7, 18.