Page:Darmesteter - Essai sur la mythologie de l’Avesta.djvu/45

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nos deux génies, et les voyant d’autre part lutter contre Târîc et Zârîc, il ne pouvait leur venir un instant l’idée de douter que Târîc fût le daêva de la Soif, et Zârîc celui de la Faim : ces deux noms, étant devenus noms propres, et par suite vides de tout sens étymologique, ne pouvaient d’ailleurs élever aucune réclamation contre la valeur qu’on leur imposait.

La forme zende de Zârîc est Zairica, c’est-à-dire, en supprimant le premier i amené par l’épenthèse, *zarica ; ceci nous renvoie à la racine zar, sanscrit ģar, s’user de vieillesse, dépérir ; zarica est le dépérissement^^1, c’est l’équivalent du sanscrit ģaras, ģariman ; le zairica zend, comme le ģaras védique, est la forme naturelle de la mort : na mamâra na ģîryati, il ne meurt point, il ne dépérit point, dit l’Atharva (10. 8. 32) ; ģar est à mar ce que la cause est à l’effet : demander d’échapper au ģaras, au dépérissement, et demander l’immortalité sont chose identique :

daxin=âvanto amr=tam bhaģante
daxin=âvanto pra tiranta âyuh.
Ma pr=n=anto duritam ena âran
mâ ģârishus sûrayas suvratâsah. (Rv. I. 125. 6. 7).
« Les mortels libéraux envers le prêtre reçoivent pour leur part de ne point mourir ;
les mortels libéraux envers le prêtre prolongent leur vie ; puissent les fidèles ne point tomber dans la voie douloureuse et l’angoisse !
puissent échapper au dépérissement les dévots fidèles à la loi ! »^^2

Personnifions le ģaras védique et nous aurons le Zârîc parsi :

Na hy asyâ (Indrânî) aparam cana garasâ marate patis (10. 80. 11). « L’époux d’Indrâni ne mourra point des coups de Zârîc. »

1. Cf. pour la formation vic-ica, mortier, de l’ic, séparer.

2. Je traduis suvratâsah comme je traduirais le zend *huvarenâo, « beh dînân » diraient les Parses. Le sanscrit vratâ me semble l’équivalent du zend varenô ; il est formé comme lui de la racine var (vereri), avec le suffixe -atá qui a le sens du suffixe latin -endus (d. yaģatá, darçatá). Pour la chute de l’a devant une liquide, cf. cakrus = *cakarus, gnâ = *ganâ = zend ghena. Vratá, comme varenô, est donc « ce qui doit être respecté ».