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Page:Darmesteter - Essai sur la mythologie de l’Avesta.djvu/47

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extrêmes de leur histoire : à une extrémité, Santé et Immortalité combattant la Maladie et la Mort ; à l’autre extrémité, génies des Eaux et des Plantes combattant la Soif et la Faim.

Avant de chercher comment s’opéra le passage de l’une de ces deux conceptions à l’autre, nous allons passer en revue une série de textes relatifs à nos deux génies, textes appartenant à la partie la plus obscure de l’Avesta, les Gâthâs, et où la distinction de ces deux conceptions jette peut-être un rayon de lumière.

VI.

§ 28. Les Gâthâs ou cantiques sont une série d’hymnes rédigés dans un dialecte plus archaïque que le zend vulgaire et consacrés en général à exposer les principes métaphysiques et moraux du Mazdéisme. L’existence des deux principes du bien et du mal, les vertus essentielles du Mazdayaçnien, les récompenses qui attendent les fidèles du bon principe, les punitions réservées aux serviteurs des daêvas, tels sont les sujets ordinaires de ces morceaux. Les quatre premiers Amshaspands y jouent un grand rôle, ou pour mieux dire, les noms des quatre premiers Amshaspands. Ces noms sont trop transparents pour que leur valeur s’oublie, pour qu’ils cessent d’être des noms communs. Les traits matériels sont absents ou rares : l’on est en face d’abstractions, qui tantôt restent telles, tantôt se personnifient, le plus souvent incertaines et flottantes, laissant mal deviner si l’on est encore en présence d’une vertu théologale, ou déjà en présence d’un dieu.

Mais si les traits matériels manquent, ou sont peu saillants, cela ne prouve nullement qu’à l’époque où furent composées les Gâthâs, les Amshaspands n’avaient point encore reçu ou développé ces attributs matériels ; les Gâthâs ne sont d’un bout à l’autre qu’un catéchisme de métaphysique et de morale ; l’abstraction, par la force des choses, y est la note exclusive. Il importe fort peu au moraliste qui les compose qu’Armaiti soit le génie de la terre ; la seule chose qui l’intéresse, c’est qu’Armaiti est la Piété. Si Vohu-manô n’y paraît point comme Dieu des troupeaux (cf. cependant § 31, 1°), il ne s’en suit nullement qu’il ne le fût pas encore ; pour l’auteur des hymnes, Vohu-manô n’est qu’une chose et ne doit être qu’une chose, la Bonne Pensée.

Si donc Haurvatât et Ameretât ne paraissaient point dans les Gâthâs comme génies des eaux et des plantes, il n’en faudrait point conclure qu’ils ne l’étaient pas encore à l’époque où elles