Page:Darmesteter - Essai sur la mythologie de l’Avesta.djvu/48

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furent rédigées. En fait, plusieurs passages supposent cette valeur sous-entendue (§ 30) ; dans tous les autres l’abstraction domine ; mais la valeur abstraite que leur donne le contexte n’est point partout la même ; dans les uns c’est la valeur abstraite primitive, dans les autres la valeur abstraite dérivée ; c’est-à-dire que dans les uns, ils sont dieux de Santé et d’Immortalité, dans les autres, dieux de l’Abondance. Or ceux-ci n’ont pu naître que quand les premiers s’étaient déjà transformés en dieux des eaux et des plantes (§ 16) ; donc les Gâthâs supposent la série complète du développement, elles présentent nos deux génies à leurs deux points extrêmes, elles ont des formules pour toutes leurs phases.

Y a-t-il de là quelque conclusion à tirer sur l’ordre chronologique de ces morceaux ? La chose est douteuse. L’archaïsme d’une idée ne prouve point que le passage qui l’exprime soit ancien, pas plus que l’archaïsme d’une langue ne prouve son antiquité. Prétendre que la Chanson de Roland ne peut dater que du xxe siècle, parce que l’italien de Léopardi qui est du xixe est plus près du latin, serait d’une induction téméraire ; prétendre que le Bundehesh est plus ancien que l’Avesta parce que les mêmes faits y sont souvent présentés sous un aspect plus archaïque ne serait pas plus scientifique ; établir un ordre chronologique entre deux strophes d’après le sens qu’y a Haurvatât ne serait pas au fond plus raisonnable. On peut bien dire : l’idée de la strophe x est plus ancienne que l’idée de la strophe y : il ne s’en suit pas que œ soit antérieur à y. Les générations vont se transmettant les formules et les alliances de mots : vient une génération qui les met en œuvre, et qui le plus souvent les comprend autrement, parce qu’elle y lit ses idées à elle ; elle les répète bien sans les altérer dans les traits essentiels, parce qu’elle croit les comprendre, mais le sens qu’elle y voit est tout différent du sens qui y est ; ce qu’elle dit est autre que ce qu’elle croit et veut dire. Quand le Bundehesh croit dire « Haurvatât tue la soif », il dit « Haurvatât tue la maladie », et il exprime inconsciemment une pensée séparée de la sienne par des siècles (§ 27). De même, dans telle strophe des gâthâs, le rédacteur exprime la pensée de son siècle et dans la strophe voisine la pensée de ses ancêtres.

Cette réserve faite, nous pouvons suivre dans les gàthâs le cours de l’histoire de Haurvatât-Ameretât, du point de départ au point d’arrivée. Ces citations se diviseront donc en trois classes :

1° Celles où ils sont génies de Santé et d’immortalité (valeur abstraite primitive) ;