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LETTRES SUR L’INDE

frère. Naïm Chah envoie au kotval, qui la communique au commandant, une lettre en pouchtou, où il disait : « Tu as fait du mal à mon frère, je te ferai du mal. » Le commandant appelle un mounchi afghan, qui lui traduit la lettre en ourdou, et le commandant d’éclater de rire, disant : « Qu’il y vienne ! » Il y vint, la nuit même ; il envahit Nauchéhra à la tête de cent hommes ; il la livre au pillage, s’installe au korvali, s’érige en juge, a le temps de condamner et de faire pendre un homme : c’était, comme vous voyez, un homme sérieux, un anarchiste de gouvernement. Cependant le bruit de la chose se répand au cantonnement et éveille le commandant qui vient juste à temps, en carabinier d’Offenbach, pour voir Naïm Chah filer du côté de la rivière : il l’y suit ; son mounchi afghan l’avertit en vain qu’il est dupe : « Naïm Chah n’est pas un poisson pour se sauver dans la rivière ; Naïm Chah est l’homme de la montagne… » En effet, la garde cherchait encore au bas du fleuve qu’il était déjà en sûreté dans son repaire de Khatak, bien sûr qu’on ne viendrait pas l’y traquer.

Un jour, Naïm Chah rencontre le général. Le général l’admirait beaucoup et lui dit : « Veux-tu entrer à mon service ? — Volontiers, répond le brigand ; mais il faut d’abord que tu