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Page:Darmesteter - Lettres sur l’Inde, à la frontière afghane.djvu/224

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LETTRES SUR L’INDE

chose, après tout, ça ne prouve pas grand’chose : le devoir des gens éclairés est d’éclairer la foule, et d’agir comme elle, pour éviter le scandale.

Séid Omar est un esprit libre : il admire le Pir Rochan et méprise l’Akhoun Darvéza. Le Pir Rochan ou « Maître de Lumière » et l’Akhoun Darvéza vivaient il y a longtemps, il y a quatre siècles : on lit beaucoup l’Akhoun Darvéza, mais on ne lit plus le Pir Rochan, parce que l’Akhoun a fait brûler ses livres, faute de mieux. Le Pir Rochan avait fondé un système que l’on ne connaît guère que par la réfutation de l’Akhoun, et qui, paraît-il, aurait pris des libertés singulières avec le culte, avec les prières, et aussi avec la basse-cour et le harem du prochain. On prétend qu’il prêchait la communauté des biens et celle des femmes, et résumait ces deux points dans ces deux jolis aphorismes : « Un coq n’est après tout qu’un oiseau : il appartient à qui l’attrape. — Une femme est une fleur : chacun a bien le droit de la respirer. » Vous voyez que les communistes de ce temps-là avaient plus de grâce que ceux du nôtre, lourdes gens. L’Akhoun changea le surnom du Pir Rochan en celui de Pir Tarik, « le Maître des Ténèbres », qui lui est resté, et le réfuta dans un gros livre de quatre cents pages où le