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LETTRES SUR L’INDE

quilles de noix en guise de lampes : les autres Ghats grouillent de gens qui contemplent avec bonheur les avalis[1] d’en face et allument, chacun près de soi, un modeste lumignon.

Le lendemain, indigestion de temples à Vrindavan, la ville des temples. Visite au Museum, bijou monumental, du goût hindou le plus pur, bâti par l’ancien collecteur, M. Growse. M. Growse est une des raretés de l’Inde : un Anglais qui comprend l’Inde et qui l’aime. Partout où il a passé, il a restauré l’art indou, tué ou abruti par l’art (?) anglais et par l’enseignement des écoles de dessin à l’européenne. Cela déplut à l’administration centrale qui n’aime point des fonctionnaires trop savants ou trop artistes. Déporté dans une ville sans tradition, Bolandchehr, où on le croyait désarmé, il en fait jaillir des palais, sans frais pour l’État, faisant appel pour les fonds à l’enthousiasme des indigènes et pour le travail à l’instinct infaillible et presque aveugle des mistris[2]. Transporté à Fatehpur, il crée un art nouveau, l’incrustation du cuivre dans le bois, qui est à présent la gloire de la bicoque. Le nom de M. Growse, après dix ans, est encore béni

  1. Avali, rangée de lampes.
  2. Mistri, artisan ou artiste indigène. Le mot semble être l’italien maestro, apporté au XVIIe siècle par les artistes de Florence au service du Grand Mogol.