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XIV. — DE LAHORE À PARIS

disposé en couches parallèles, qui sous l’action de la chaleur et du froid fendent le rocher ; la pluie et le vent, arrondissant et taillant les angles, font le reste en prenant leur temps. D’autres disent que Rama, poursuivant Ravana, qui lui avait enlevé sa chère Sita, arrivé à la mer, eut à jeter un pont pour atteindre le ravisseur à Ceylan : son général en chef, le singe Hanouman, accourut avec son armée, emportant des rocs de l’Himalaya pour les matériaux du pont : en passant sur le Dekhan, leurs mains fatiguées laissèrent échapper des roches, et les voici. Et la preuve que cette explication est la vraie, c’est qu’on suit la traînée dans tout le Sud jusqu’en face de Ceylan.

Ces deux explications m’étaient données par Séid Ali Belgrami, alors ministre de l’instruction publique à Hyderabad. Séid Ali est un des types les plus parfaits et les plus rares de la culture européenne mariée à la tradition musulmane. Ayant étudié cinq ans en Angleterre, élève de Huxley, il n’a point pris en mépris le passé intellectuel de son pays et de sa race, en prenant une teinture de la civilisation de l’Occident, ce qui est le cas ordinaire de la jeune Inde libérale. Il parle l’anglais, le français et l’allemand, ce qui ne l’empêche pas de parler le persan et l’arabe, de connaître le Coran comme