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LETTRES SUR L’INDE

un Molla — comme c’est d’ailleurs son devoir de Séid et de descendant de Prophète,  — d’étudier les poètes antéislamiques et le Hamasa ; et ce qu’il y a de plus rare, ce Musulman, ce grand seigneur de la race conquérante et dominante, s’est mis à l’école des Pandits Hindous pour apprendre d’eux leur langue et leur religion ; il lit les Védas et Sâyana et peut réciter, comme le meilleur des Brahmanes, et avec les intonations régulières, la plus sainte des prières qui soient, la Gayatri.

Je me croyais bien loin de la France : je la retrouvai tout à coup, sur une tombe. Séid Ali me dit : « Venez voir la tombe de M. Raymond. » Je n’avais que des idées très vagues sur M. Raymond. Je me rappelais plus ou moins que c’était un de ces soldats de fortune qui, au siècle dernier, essayèrent, avec l’aide des princes natifs, d’arrêter le progrès des Anglais ; les uns, simples aventuriers, qui ne cherchaient qu’à faire leur fortune, comme le général Perron et La Martinière ; d’autres, véritables patriotes, ramassant toutes les armes pour la patrie : tels étaient M. de Bussy et M. Raymond. M. Raymond, ancien officier de Lally, avait organisé à l’européenne un corps d’armée pour le Nizam : c’était en 1795, et ses officiers portaient les couleurs de la