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Page:Duval-Thibault - Les deux testaments, 1888.djvu/50

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CHAPITRE XII

Quelques jours après le départ de son petit-fils, Mde Champagne tomba grièvement malade et fut contrainte de garder le lit pendant plusieurs semaines.

Alors seulement, le veuf sembla sentir la nécessité de prendre une servante dans la maison.

Mais ce fut lui-même qui se chargea de soigner sa belle-mère et de lui administrer ses remèdes.

Il avait ses raisons pour cela.

Il jugeait, lui, qu’il valait mieux pour sa belle-mère qu’elle ne prît pas trop de médicaments et surtout qu’elle ne prît aucun stimulant, bien que le médecin lui en ordonnait l’usage journalier.

— Comme membre de la société de tempérance, disait-il, je ne puis souffrir de liqueurs enivrantes dans ma maison, (il disait toujours, mes maisons, maintenant,) et je sais bien que vous êtes trop bonne chrétienne pour me contredire sur ce point. Seulement, il ne faut pas dire cela au médecin, car il nous traiterait de fanatiques, vous et moi.

La veuve était trop brisée et trop découragée pour chercher à résister aux volontés de son gendre, et l’idée de se plaindre au médecin ne lui était pas venue un instant.

Cependant, au grand désappointement de son gendre, elle se rétablit un peu et put enfin se lever et s’asseoir dans sa chaise berçante près de la fenêtre.

— Elle ne mourra donc jamais, cette vieille folle ! se disait Edmond Bernier, avec colère.

Et voyant qu’elle n’était plus obligée de garder le lit, il se hâta de renvoyer la servante sous un prétexte quelconque.

La pauvre femme recommença donc à passer ses journées seule et solitaire, dans son appartement qui lui semblait si grand depuis le départ de son petit-fils.

On était rendu à la fin de l’hiver, et le froid qui avait été intense, commençait à se modérer.

— Voilà le printemps qui arrive pensait la pauvre vieille. Les vacances viendront bientôt et je pourrai revoir mon pauvre petit Joseph.

Ces pensées la consolaient un peu, parfois, mais d’autres fois, le découragement s’emparait d’elle.

Dans ces moments de tristesse, elle prenait son chapelet, sa seule consolation, et priait avec ferveur pour l’enfant si éloigné.

Elle était vraiment chrétienne, la mère Champagne ; elle avait confiance en Dieu et elle s’était tou-