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LES DEUX TESTAMENTS

CHAPITRE XIV

Le printemps était revenu encore une fois, et la nature rayonnait de joie et d’espérance.

Heureuse nature qui ne conserve pas le souvenir du passé et celui des morts !

Quand les arbres bourgeonnent ; que les fleurs s’entr’ouvrent ; que le soleil, à la fois doux et ardent, disperse et chasse au loin, les sombres nuages qui ternissent l’azur du ciel ; que les oiseaux reviennent, en chantant, bâtir leurs nids, tu ne songes pas aux arbres que les tempêtes ont renversés, aux feuilles que le vent a flétries et dispersées, aux oiseaux que la flèche du chasseur ou la main d’un enfant cruel ont tués sans pitié.

Fière et heureuse des louanges des vivants, tu n’accordes pas un regret aux pauvres morts qui dorment dans le cimetière, froids et immobiles, malgré la chaleur qui anime le monde. Eux aussi, pourtant, t’ont comblée de louanges et d’amour, mais tu les oublies comme tu nous oublieras tous, un jour.

Tu es belle, ô nature ! mais tu es insensible. Et, pourtant, l’homme insensé voudrait t’adorer à la place de Dieu.


Par un beau et soleilleux matin de mai, plusieurs groupes de badauds stationnaient devant l’église Notre-Dame, dans une attitude indiquant une attente pleine d’impatience et de curiosité.

Enfin, une file de carosses déboucha de la rue St-Laurent et s’engagea dans la rue Notre-Dame.

— Les voilà, les voilà, enfin ! murmura-t-on de côté et d’autre en se rangeant selon l’ordre du suisse qui ouvrait en ce moment la porte devant laquelle stationnaient les curieux.

Fier et pompeux dans son habit neuf et élégant, le père Renaud descendit de voiture et sa fille le suivit, belle et gracieuse, malgré sa pâleur.

Une superbe robe de soie bleue et un gracieux chapeau, à longue plume blanche, faisaient ressortir la blancheur de son teint et l’or de ses cheveux blonds.

Elle tenait en main un magnifique bouquet de roses blanches qui