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Page:Duval-Thibault - Les deux testaments, 1888.djvu/59

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LES DEUX TESTAMENTS

exhalaient un parfum délicieux.

— Qu’elle est belle ! Qu’elle est bien habillée ! Comme elle doit être heureuse ! se murmuraient les spectateurs, les uns aux autres.

Les jeunes filles, surtout, enviaient la belle mariée, et plus d’une aurait désiré être à sa place.

Elles ne pouvaient comprendre, elles ne devinaient pas l’abîme de tristesse et de découragement dans lequel la pauvre Maria était plongée en ce moment.

Obsédée par ses parents et par Bernier, lui-même, elle avait enfin consenti à donner sa main à celui quelle ne pouvait aimer, ni même estimer ; à celui pour qui elle éprouvait, plus que jamais, une aversion insurmontable.

Elle n’était donc pas heureuse autant que le pensaient les jeunes filles qui la regardaient avec des yeux envieux.

Il y en avait une surtout qui n’avait aucun sujet d’envier la destinée de Maria Renaud.

C’était la petite Rosanna Michon, piquante brunette aux grands yeux noirs, vêtue d’une robe de calicot rose qui lui allait à merveille, pour dire la vérité.

Cette petite Rosanna devait épouser prochainement le meilleur et le plus joli garçon de son quartier, sinon le plus riche, un garçon qui l’aimait de tout son cœur et qui n’avait d’autre ambition que de la rendre heureuse. Elle l’aimait bien, elle aussi, cet aimable et tendre jeune homme, toujours si bon et si complaisant. Elle l’aimait « bien gros », et elle se sentait bien heureuse chez elle, quand elle était occupée à confectionner la simple robe de mérino brun clair, qui devait composer sa toilette de noce, car elle devait se marier dans quinze jours, la jolie brunette.

Mais l’aspect de la robe de soie de Maria lui faisait prendre en dédain sa simple robe de mérino.

Oh ! si elle avait une robe de soie, elle aussi.

De nos jours, la soie est vulgarisée.

Tout le monde en porte.

Les femmes d’ouvriers aussi bien que les femmes de banquiers, les servantes, aussi bien que leurs maîtresses, les moindres petites ouvrières, aussi bien que les demoiselles de haute condition ; mais, il y a vingt cinq ans, il n’en était pas ainsi.

Cependant, les gens n’en étaient pas plus malheureux, même Rosanna Michon, qui se consola vite de ne pas être Maria Renaud, dès qu’elle aperçut le marié, qui paraissait encore plus insignifiant et en-