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Page:Duval-Thibault - Les deux testaments, 1888.djvu/60

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LES DEUX TESTAMENTS

core moins sympathique dans son costume de cérémonie.

— J’aime mieux P’ti Toine, que ce laid marié-là, pensa-t-elle. Et la robe de Maria ne lui fit plus envie.

La noce entra dans l’église et la cérémonie commença aussitôt.

Le veuf était heureux et triomphant.

— J’ai gagné la partie, se disait-il.

Les maisons de Mde Champagne sont à moi, enfin ; j’ai dans les mains l’héritage du petit, et d’après les conventions du testament, personne n’a le droit de m’en demander compte ; je pourrai donc en faire l’usage qui me conviendra, en attendant sa majorité.

Et pour couronner tout, la seule personne que j’aie jamais aimée va devenir mon épouse, dans quelques instants.

Pourquoi, dit-on, qu’il n’y a pas de vrai bonheur sur la terre ? se disait-il.

Le bonheur existe. Il est pour ceux qui ont assez de fermeté et de talent pour savoir l’atteindre en brisant tous les obstacles qui se trouvent sur leur chemin, comme je l’ai fait, moi, et comme je compte bien le faire encore à l’avenir.

Ce fut dans ces dispositions très chrétiennes qu’il reçut la bénédiction nuptiale.

Quant à Maria, elle était encore plus pâle qu’elle ne l’avait été en entrant dans l’église. Elle aurait voulut fuir, en ce moment, fuir loin de cet homme tant détesté qui allait devenir son maître.

Elle aurait voulut dire non, au lieu de oui, quand le prêtre lui demanda si elle acceptait Bernier pour époux.

Trop tard, hélas !

— Que ma destinée s’accomplisse, se disait-elle avec découragement et amertume, et le oui fatal s’échappa de ses lèvres blêmies par l’émotion.

Pendant toute la durée de la messe nuptiale la nouvelle épouse se laissa aller à sa douleur et son abattement ; mais quand le moment de sortir fut arrivé, elle fit de violents efforts pour se composer un maintien digne et calme et réussit assez bien. Elle avait beaucoup de fierté et l’idée de laisser voir son chagrin à la foule qui ne manquerait pas de la dévisager suffisait pour la rappeler à elle-même.

Mais un dernier coup l’attendait.

Comme elle descendait au bras de son mari, le dernier degré du perron, elle se trouva presque face à face avec un jeune homme misérablement vêtu, dont l’aspect pâle