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SUR LE SOL D’ALSACE

celle de certaines femmes ?… Louise, dans son isolement, dans la fantaisie de son imagination, se rapproche de cette sœur esclave, courbée sous le joug. Sa pitié croit entendre une plainte sortir de terre et cependant le soir est beau, la nature, pleine d’espoir…

L’Alsace est toujours prospère malgré l’effroi qui plane sur ses sillons ; mais Louise sait qu’un souffle français la vivifie ; qu’une espérance invincible frôle chaque pierre, enserre chaque arbre : la revanche. À mesure qu’elle se courbe sous la main autocrate du maître qui l’a prise, sa confiance grandit, car elle est faite de douleur, d’exaspération et d’amour.

Louise est maintenant en communion avec elle, car elle a compris son erreur. Si elle n’en convient pas tout haut, de crainte d’exalter Marianne, elle s’accuse tout bas. Sa vie, assombrie par la déception, par le remords n’a plus de satisfactions qu’en la tendresse de ses fils. Sans eux, comme elle regretterait son vieux manoir délabré, où végétaient les prunelliers sauvages, où grimpait librement le lierre, où s’enchevêtrait la vigne vierge.