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LA FLEUR-SERPENT

— « Ah ! plantes maudites, fleurs du diable, nœuds de vipères ! » grondaient les jardiniers en tendant leurs muscles pour extirper les racines.

Oui, il fallait la détruire, cette horrible plante, la brûler, la broyer, qu’aucune graine ne s’envolât pour faire renaître ailleurs le rouge poison !

Brusquement une partie du buisson céda, et, entraînés par l’effort, les hommes firent quelques pas en arrière ; mais ils revinrent aussitôt et se penchèrent sur les racines découvertes. Alors je vis leur visage se décomposer, leurs yeux s’agrandir ; une clameur d’épouvante s’éleva, puis tous s’enfuirent en faisant des signes de croix.

Qu’avaient-ils donc vu ?

J’étais seul. Le cri d’effroi jeté par ces hommes avait précipité les battements de mon cœur, et une crainte dont j’avais honte faisait courir un frisson sur ma chair. La course affolée des fugitifs ne froissait plus depuis longtemps le gravier du jardin que j’écoutais encore, trompé par le bruit de mes artères, immobile, comme incrusté dans le sol.

Qu’avaient-ils donc vu ? Des flammes infernales étaient-elles sorties de ce trou maudit ? Étaient-ils