Page:Genoude - Les Pères de l'Eglise, vol. 3.djvu/153

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puissance tierce commence par en haut, elle finira par en bas, et elle sera également terminée par ses côtés ; et ainsi, il lui manquera toujours quelque chose. Ainsi, en ce qui concerne Dieu, l’esprit de nos adversaires ne peut s’arrêter à rien ; cherchant de tous côtés ce qui n’est pas, sans pouvoir trouver ce qui est réellement, c’est-à-dire un Dieu véritable.

J’attaquerai, par le même argument, le système des marcionites. Leurs deux dieux seront de même séparés par un intervalle immense, et ce même intervalle les termine et les circonscrit. Car il faut admettre nécessairement que si plusieurs dieux sont séparés de tous les côtés, ils ont chacun un endroit par où ils finissent et un endroit par où ils commencent : ainsi, de ce qu’ils disent qu’il y a quelque chose qui serait au-dessus du Créateur souverain de toutes choses, on pourra en faire un argument contre eux, et on aura le droit de supposer un autre Plerum au-dessus du Plerum, un troisième ensuite au-dessus de celui-ci ; enfin un Bythus par-dessus leur Bythus, et entasser ainsi les puissances les unes sur les autres, de tous côtés : ainsi, les suppositions se multiplieraient à l’infini, l’esprit ne pourrait s’arrêter à quoi que ce soit, et il faudra nous perdre avec eux dans un océan de dieux et de mondes.

Dans ce ridicule système, chaque dieu vit content de son petit empire et ne se mêle pas de ce qui se passe chez ses voisins ; à moins toutefois qu’il ne devienne injuste ou avare, et qu’il ne sache pas conserver sa dignité de Dieu ; ce qui pourrait fort bien arriver. Ainsi chaque créature glorifierait son créateur, qui se suffirait à lui-même et ne se mêlerait en rien des affaires des autres ; cependant, s’il se conduisait mal, il serait convenable qu’il fût jugé par tous les autres dieux et condamné à un châtiment sévère. Car il faut de deux choses l’une : ou qu’il y ait un seul Dieu, qui contient en lui l’universalité des êtres, qui a créé tout ce qui existe dans la plénitude de sa volonté et de sa puissance, ou bien qu’il y ait plusieurs créateurs et plusieurs dieux dont l’empire et la puissance de chacun auraient pour limites et pour bornes l’empire et la puissance du dieu le plus voisin de lui, et qu’ensuite tous ces dieux