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Page:Genoude - Les Pères de l'Eglise, vol. 3.djvu/215

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nous le lisons dans les Actes des apôtres : « Qu’un autre reçoive son apostolat. » Ils devaient donc dire, pour établir cette concordance, que le douzième Æon dont ils parlent avait été chassé du Plerum, et qu’un autre y aurait été mis à sa place. Ensuite, cet Æon aurait souffert, et Judas aurait trahi son maître : or, Judas n’a pas souffert la passion, c’est le Christ ; ils avouent cela. Comment donc le traître Judas, qui a livré celui qui est mort pour notre salut, aurait-il pu être le type de cet Æon, qui aurait souffert ?

D’ailleurs, la passion du Christ et celle de l’Æon n’ont entre elles aucun rapport. En effet, l’Æon a souffert une passion de dissolution et de perdition, puisqu’il a couru le risque d’être anéanti lui-même ; la passion de notre Seigneur, au contraire, a été une passion de vie et de salut, qui bien loin d’anéantir le Christ lui-même, a enlevé l’humanité à la mort pour la douer de l’immortalité. La passion de l’Æon a eu pour cause sa recherche infructueuse du Père, puisqu’il n’a pu le trouver ; la passion de notre Seigneur, au contraire, a eu pour objet de faire connaître le Père à ceux qui l’ignoraient, et de ramener à lui ceux qui l’avaient oublié. Quel a été le résultat de la passion de l’Æon ? De produire un fruit femelle, faible et sans vigueur : tandis que le résultat de la passion du Christ a été un résultat de puissance et de force ; car il est dit qu’en « montant aux lieux les plus hauts, il a délivré une foule de captifs et a répandu ses dons sur les hommes ; » et il a donné à ceux qui ont cru en lui le pouvoir de fouler sous leurs pieds les serpents et les scorpions, c’est-à-dire de braver la puissance du prince des ténèbres. Le Seigneur, par sa passion, a détruit la mort du péché ; il a chassé l’erreur, l’ignorance et la corruption ; il a produit la vie, la vérité et l’immortalité. L’Æon que l’on veut comparer au Christ a fait justement tout le contraire. Après les angoisses auxquelles il fut en proie, il se trouva plongé dans l’ignorance, engendra une substance informe, de laquelle est provenue toute chose qui est matière et qui périt, c’est-à-dire la mort, la corruption, l’erreur et toutes les imperfections.