Page:Genoude - Les Pères de l'Eglise, vol. 3.djvu/291

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de même, en appelant ceux qui suivent Mammon les esclaves de Mammon, il n’appelle pas pour cela Mammon un Dieu. Mammon, dans la langue des Juifs, en usage chez les Samaritains, signifiait un homme cupide, cherchant à amasser de l’or par toutes sortes de moyens ; mais dans la langue hébraïque, on ajoute la syllabe mam, et le mot signifie gourmand, ou un homme plongé dans les plaisirs de la table. Quelque soit le sens qu’on attache à cette expression, toujours est-il que nous ne pouvons pas à la fois servir Dieu et Mammon.

Quand notre Seigneur a appelé le démon fort, il l’a dit seulement par comparaison avec la faiblesse de l’homme, mais non point d’une manière absolue : loin de là ; car, quand il parle de lui-même, il s’appelle, d’une manière absolue, fort et invincible. Ainsi, quand il dit : « Comment quelqu’un peut-il entrer dans la maison du fort, et enlever ce qui lui appartient, s’il n’a auparavant lié le fort ? Et alors il pillera sa maison et enlèvera ses trésors. » Or, c’est de nous, pécheurs, dont il est parlé ici ; lorsque nous étions dans les ténèbres de l’idolâtrie, le démon alors avait tout pouvoir sur nous, et cet esprit immonde habitait en nous. Et s’il était fort, ce n’était pas contre celui qui était plus fort que lui et qui venait le chasser de sa maison, mais il était fort contre nous autres hommes, qui étions dans sa possession, parce qu’il nous avait fait perdre la grâce de Dieu. C’est donc le Seigneur qui nous a arrachés de ses mains, comme le dit Jérémie : « Car le Seigneur a racheté Jacob et l’a délivré d’un ennemi formidable. » S’il n’avait pas voulu signifier que celui qui s’empare de la maison du démon et lui prend ses trésors était par cela même le plus fort, il aurait dit seulement que le démon était lui-même le fort et l’invincible. Mais il ajoute qu’il y en a un des deux qui triomphe ; celui qui s’empare de la maison est le vainqueur, l’autre est le vaincu. Le langage du prophète exclut évidemment l’idée d’une comparaison quelconque ; car pourrait-on sans blasphème comparer le Seigneur à un ange rebelle ? et jamais rien de ce qui a été créé et de ce qui est soumis à la puissance de Dieu pourra-t-il entrer en comparaison avec le Verbe de Dieu,