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SAINT IRÉNÉE.

par ces paroles qu’il était lui-même comme le représentant de tous les justes et de tous les prophètes dont le sang avait été versé, et que Dieu en demanderait compte, ainsi que du sien, aux hommes qui l’auraient versé. Mais à quoi bon demander compte du sang, si le sang ne devait pas participer au salut éternel ; et comment notre Seigneur se serait-il porté comme le représentant de tout le sang des justes et des prophètes qui avait été répandu, si ce n’est parce que lui-même avait pris notre chair et notre sang, en se soumettant aux lois de notre nature corporelle, afin d’opérer le salut du sang de l’homme, qui avait été frappé de mort par suite de la faute d’Adam.

Si l’incarnation de notre Seigneur avait eu lieu d’après les lois d’une nature étrangère à la nature de l’homme, si sa chair avait été composée d’une substance autre que celle de l’homme, il n’aurait pu dès-lors résumer l’humanité en lui ; on n’aurait même pas pu dire qu’il s’était fait chair ; car notre chair, telle que nous l’a transmise notre premier père, a été tirée directement du limon de la terre. D’ailleurs, si le Christ avait dû être formé d’un autre corps que le nôtre, Dieu le père l’aurait fait naître d’une autre manière que nous naissons. Ne considérons donc que ce qui a eu lieu réellement : nous voyons que le Verbe, qui venait pour notre salut, s’est fait semblable à l’homme, qui était dévoué à la mort par le péché ; c’est en prenant ainsi notre humanité qu’il s’est communiqué à nous et qu’il a recherché notre salut ; il avait donc revêtu la chair et le sang de l’homme déchu par le péché. Le premier homme avait été formé par Dieu du limon de la terre ; et c’est dans ce premier fait qu’il faut étudier le mystère de l’avénement du Christ en ce monde. Le Christ a donc eu dans son corps le sang et la chair de l’homme ; il a donc été, sous ce rapport, le représentant, la figure de la créature faite par Dieu à son image, et venant ici-bas pour la sauver : c’est ce qui fait dire à l’apôtre dans l’épître aux Colossiens : « Vous étiez vous-mêmes autrefois éloignés de Dieu, et votre cœur, livré aux œuvres criminelles, vous rendait ses ennemis. Mais maintenant Jésus-Christ vous a réconciliés par la mort qu’il a soufferte dans sa chair, afin de vous rendre saints, purs et