Page:Gobineau - Mademoiselle Irnois - 1920.djvu/29

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elle faisait de son mieux pour amuser sa chère enfant ; elle sentait son cœur se fondre quand elle la regardait, et ne pouvait pas la regarder sans l’embrasser.

Sous ce rapport, sa tendresse ressemblait beaucoup à celle de Mlles Maigrelut, tantes maternelles d’Emmelina, seulement un peu plus jaseuses que leur sœur mariée. Mlles Maigrelut étaient tout ce qu’on peut désirer de plus parfait comme types de vieilles filles. On les eût lâchées l’une et l’autre au milieu d’une ville de province, qu’elles eussent développé avec une puissance inouïe une méchanceté de tigre et de vipère. Mais leur séjour constant au sein de la solitude, dans une claustration presque absolue, avait maté ces natures dangereuses, et toute leur ardeur s’était tournée en dévouement servile et convaincu pour Emmelina.

Ainsi aimée, ainsi adorée et servie, Mlle Irnois atteignit sa dix-septième année ; c’est le moment où commence l’anecdote que j’ai à raconter.

Elle avait donc ce bel âge de jeunesse qui est comme la porte dorée de la vie. Il est temps de dire ce qu’elle était et de la montrer entourée de sa cour, à savoir de son père maigre et jaune, de sa mère grosse et commune, de ses tantes sèches, effilées et bavardes, et de ses servantes qui ne valent pas l’honneur d’une description.

On s’attend sans doute à entendre un récit merveilleux de perfections inouïes, à contempler une jeune fille douée par les fées de tous les charmes de la beauté et de l’esprit… Nous allons voir !