Page:Gobineau - Mademoiselle Irnois - 1920.djvu/41

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M. le comte s’excusa de son mieux et revint à la charge, si bien qu’il lui fut demandé ce qu’il voulait.

— “La main de Mlle Irnois mettrait le comble à mes vœux”, répondit le conseiller d’État en s’inclinant.

Là-dessus explication sur ce qu’était Mlle Irnois ; comme quoi, au physique, elle était probablement peu jolie (il était loin de le savoir au juste !), mais aussi comme quoi au moral elle avait quatre ou cinq cent mille livres de rentes, et qu’une telle union comblerait le plus humble et dévoué sujet de sa Majesté Impériale et Royale, etc., etc.

Par bonheur, le comte Cabarot, en homme d’esprit, et parfaitement informé, s’était pressé d’agir. Il savait vaguement que la fille avait dix-sept ans et qu’avec les vertus qu’il se plaisait lui-même à signaler en elle, il ne se pouvait pas qu’avant un mois, l’attention de bien d’autres céladons de son genre ne se fût éveillée aussi. En effet, on y pensait déjà, mais on ne se hâta pas assez ; le comte Cabarot fut plus alerte.

La puissance auguste qu’il implorait se montra de son côté bénévole. Cabarot ne quitta le cabinet qu’en emportant un ordre adressé à M. l’aide de camp de service, ou tel autre personnage qui alors transmettait les volontés impériales, de commander à M. Pierre-André Irnois de se présenter à trois jours de là devant son souverain.

Le comte Cabarot se vit transporté au septième ciel ; jamais il n’avait été aussi heureux depuis le jugement de Tallien qui l’avait regardé de travers.