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Page:Gobineau - Mademoiselle Irnois - 1920.djvu/69

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CHAPITRE V

La pauvre Emmelina demanda aussitôt après le départ du comte à rentrer dans sa chambre, et toute sa famille était vraiment trop affectée et étonnée pour avoir la force de contrarier, même par une simple observation, les volontés de celle qui produisait sur tous ses entours à peu près l’effet touchant d’une martyre.

L’évanouissement s’était dissipé comme tout se dissipe, mais en laissant à la jeune fille, une torpeur physique et une sorte de désolation dont on pouvait aisément se rendre compte en la regardant. Elle était beaucoup plus pâle que d’ordinaire, et ses yeux avaient perdu l’éclat particulier dont tout le monde avait été si surpris autour d’elle depuis quelque temps.

Évidemment, à l’exaltation avait succédé l’abattement, au délire d’une espérance inconnue, un désespoir dont il était impossible de concevoir la cause. On n’y comprenait rien et, pour tout dire, ce fut presque avec satisfaction que Mme Irnois et ses sœurs virent s’éloigner l’objet de toutes leurs tendresses. Car, en sa présence, on ne pouvait qu’accumuler des questions qui restaient sans réponse ; et, en son absence du moins, on avait toute liberté d’épuiser les différentes séries de commentaires et de suppositions dont les imaginations féminines ne sont jamais privées. C’était peu de chose sans doute pour arriver à la découverte de la vérité ; mais c’était beaucoup pour se consoler