Page:Gobineau - Mademoiselle Irnois - 1920.djvu/70

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d’un mal que l’on croyait irrémédiable, puisqu’on en ignorait la source et qu’on ne prévoyait pas même pouvoir la découvrir.

— “Avec toute autre qu’Emmelina, disait la mère désespérée, il y aurait un moyen quelconque d’obtenir des confidences ; mais cette petite fille est tellement taciturne que jamais on ne parviendra à la faire parler. Et cependant, comment se résoudre à ignorer pourquoi elle était si joyeuse depuis quelque temps, pourquoi l’idée d’épouser le comte a paru d’abord lui faire si grand plaisir, et enfin pourquoi lorsqu’elle a vu ce même prétendu qu’elle attendait avec tant d’impatience, elle est tombée dans un tel chagrin et n’a seulement pas voulu le regarder ? A-t-on jamais imaginé des parents plus malheureux que nous ? Pour moi, je ne crois pas qu’il en existe ; et si j’avais jamais pu prévoir que ma propre fille manquerait à ce point de confiance envers moi, j’aurais maudit mille fois déjà le jour où elle est née.”

— “Ne dites pas de sottises ! s’écria M. Irnois qui rentrait dans la salle à la fin de cette tirade. Cette petite me paraît assez désolée sans qu’il soit besoin de l’accabler d’injures. Je voudrais pour tout au monde n’avoir pas fait fortune et que l’Empereur n’eût jamais entendu parler de moi. Je ne serais pas forcé de donner mes écus à ce M. Cabarot.”

Tandis que père, mère et tantes se désolent à loisir et se chamaillent entre eux, suivons Emmelina dans sa chambre. À peine y est-elle arrivée, à peine s’est-elle placée dans son fauteuil dans l’angle ordinaire de la