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Page:Gobineau - Mademoiselle Irnois - 1920.djvu/72

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chambres à coucher, sur une cour assez sombre. Cette cour était, comme on le pense bien, carrée et entourée des trois autres côtés de bâtiments fort élevés et percés de fenêtres, comme était aussi la face dans laquelle s’enterrait le logis du modeste millionnaire.

Au cinquième étage, vis-à-vis les deux fenêtres de la chambre à coucher d’Emmelina, et par conséquent trois étages au-dessus d’elle, était une mansarde de fort méchant aspect, placée juste à la naissance du toit, qui n’était pas faite pour attirer longtemps le regard. Mais à cette triste fenêtre travaillait tout le jour un jeune ouvrier tourneur… On commence, j’imagine, à entrevoir où nous allons en venir. Et, en vérité, ce jeune ouvrier était remarquablement joli ; à peine devait-il avoir dix-huit ans ; des cheveux blonds bouclés naturellement, une physionomie de fillette, et d’autant plus qu’il prenait très bien l’air fort timide et réservé, lorsque par hasard il venait quelqu’un dans sa mansarde pour lui parler, pour lui faire quelque commande par exemple. D’ailleurs, le petit ouvrier était joyeux comme un pinson, chantait tout le jour à gorge déployée, et passait même quelques instants, quelques quarts d’heure de sa journée assis sur le rebord de sa fenêtre, à manger son déjeûner ou son dîner, en regardant chez les voisins. C’était moins un garçon qu’un vrai moineau, tant il était haut niché, gai, chantant, agile et remuant.

Voilà la cause des émotions d’Emmelina.

Il s’était passé naturellement bien du temps avant que la fille de M. Irnois eût levé ses yeux nonchalants jusqu’à