Aller au contenu

Page:Gobineau - Mademoiselle Irnois - 1920.djvu/71

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

fenêtre, qu’elle renvoie Jeanne, et lorsqu’elle se trouve seule, bien seule, elle ouvre les battants de cette croisée que presque toujours on laissait fermée ; ses yeux glissent un regard avide dans l’intervalle, et à mesure qu’elle contemple un point sur lequel semblent fixées toutes les forces de son âme, la rougeur reparaît sur ses joues, le feu, l’animation dans ses prunelles, le sourire sur ses lèvres, l’existence, la vie dans tout son être. La malheureuse fille ne semble plus vivre de sa vie ordinaire. Il semble, à la voir, qu’elle soit en quelque sorte transfigurée ; c’est bien la même personne si l’on veut, ce n’est plus le même individu ; c’est bien Emmelina, mais ce n’est plus Emmelina boiteuse, bossue, contrefaite, disgraciée de la nature, Emmelina au cerveau faible, ignorante, apathique ; ce n’est plus même un corps si l’on veut bien me permettre de poursuivre aussi loin que possible l’image de ce qu’elle me produit à moi, l’auteur, à moi qui la vois ; elle ressemble à ces Chérubins dont parlent les écrivains mystiques de l’Église, qui sont tout amour, toute passion et que, pour cette cause, on ne représente qu’avec une tête entourée d’ailes de flamme.

Telle apparaît Emmelina : c’est un visage de Chérubin enflammé de tendresse. Oui ! de tendresse ! Puisque nous sommes seuls avec elle dans sa chambre, c’est le moment de savoir tout ce qui se passe en elle depuis quelques semaines.

Comme il a été dit au commencement de cette histoire, la maison de M. Irnois, située dans une des ruelles du quartier des Lombards, donnait, quant aux