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promenades japonaises.

daïmios, que toutes les pièces historiques ou prétendues telles représentaient toujours des scènes de serviteurs sacrifiant leur vie pour leurs maîtres, que l’épisode des roonins était parfaitement dans l’ordre d’idées recommandé, et que, si l’auteur voulait conserver son sujet en changeant les noms, l’époque, les costumes et un peu le sujet, la pièce serait autorisée.

Tshikamatzou-Mouzaïmon suivit ce conseil ; il changea costume, époque et noms, modifia la cause de l’insulte ; mais le public sut retrouver, à travers les embellissements littéraires, le terrible fait divers qui le passionnait encore.

Indépendamment de son mérite, la pièce répondait admirablement aux aspirations des Japonais âpres à la vengeance ; elle était une protestation contre la loi qui punit, en faveur du sentiment général qui encourage. C’est une honte au Japon de ne pas se venger, quoiqu’il puisse en coûter, et l’on s’y trouve dans cette singulière situation de choisir entre le code qui interdit le crime et l’usage qui l’ordonne.

Qu’on se figure, pour bien comprendre, un pays où le duel serait défendu, mais où il serait souverainement déshonorant de ne pas se battre après une insulte.

La pièce des quarante-huit fidèles eut donc et a encore un grand succès.

L’auteur a placé l’action au milieu des guerres civiles qui troublèrent le Japon au xive siècle.

La dynastie du Sud, la dynastie légitime, vient d’être vaincue. Moronoo, administrateur du temple d’Hatchiman à Kamakoura, aime la femme de Enya, la belle Kaoyo qui a toujours repoussé ses hommages.

Au théâtre, il fallait un amour ; un rôle de femme était nécessaire ; l’auteur l’a bien compris.