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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS

Enfin Mathieu Dreyfus déclara qu’il n’avait vu Picquart qu’au procès d’Esterhazy ; c’était lui-même et lui seul qui avait fourni à Bernard Lazare les éléments de sa brochure[1]. Il raconta ensuite les conversations de Félix Faure avec le docteur Gibert au sujet des pièces secrètes, mes entretiens avec Casimir-Perier. Fabre refusa de consigner ce récit au procès-verbal[2].

Ainsi, de toutes les relations suspectes qui avaient été imputées à Picquart, il ne subsistait que ses confidences à Leblois, licites, selon lui, puisqu’il s’était adressé à son ami comme un client à un avocat, coupables selon Henry, Gonse et Boisdeffre, car il n’avait pas été question alors d’« enquêter » sur lui et de le « poursuivre[3] ». Il ne s’était agi, en effet, que de l’intimider.

Le procès même qu’instruisait Fabre, c’était la preuve que Picquart ne s’était pas alarmé à tort, puisque la plainte de Cavaignac à Sarrien reprenait toutes les vilenies qu’Henry, l’année précédente, avait jetées insolemment, avec l’assentiment de Gonse et de Boisdeffre, à la tête de son ancien chef.

Les choses s’étaient donc bien passées comme disait Picquart. Mais dans ces temps fiévreux, comme d’ailleurs dans tous les temps, les hommes répugnent aux réalités simples.

Leblois ne convainquit pas davantage le magistrat. Il déclara, lui aussi, qu’il n’avait été que l’avocat de Picquart[4] et il l’établissait par un argument assez

  1. Instr. Fabre, 179, Mathieu Dreyfus ; 159, Bernard Lazare.
  2. Souvenirs de Mathieu Dreyfus.
  3. Instr. Fabre, 39, Gonse ; 61, Boisdeffre : « Picquart n’était ni inculpé ni accusé et je ne vois pas ce qu’un avocat avait à faire dans cette question. » 141, Henry. — Pellieux avait dit également à Leblois : « Mais Picquart n’est pas accusé. »
  4. Il expliquait que « Scheurer avait été son intermédiaire auprès du gouvernement ». (197) Fabre lui répétait que « Scheu-