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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


matrimoniaux, de « trouver une jeune fille (au besoin tarée, mais riche) pour son neveu[1] ».

Il y avait loin de ce rapport à celui de Ravary. Esterhazy demanda à faire entendre cinq témoins : le colonel Mercier, le lieutenant-colonel Bergougnan, Pellieux, Du Paty, et l’un des principaux collaborateurs de Drumont, Boisandré[2].

Il ne cita point Henry, n’ayant pas encore avoué ses relations avec lui.

Le plan de défense, ou plutôt d’attaque, d’Esterhazy, fut fort habile. Les faits allégués contre sa moralité parlaient trop haut, il y en avait trop de preuves ; il n’eût pas trouvé un second témoin pour attester, avec le colonel Mercier[3], « qu’il était incapable de forfaire à l’honneur et qu’aucun nuage n’avait troublé son ménage ». Sa tactique fut, en conséquence, de discuter à peine ces charges, — sauf qu’après avoir reconnu ses lettres à la proxénète, il dit ensuite qu’on imitait si bien son écriture qu’il s’y était déjà trompé, et, pour la fille Pays, qu’ils avaient toujours vécu très modestement, qu’elle faisait elle-même sa cuisine[4] ; — mais ces fautes, dont il s’accusait, eussent-elles été relevées « dans des circonstances ordinaires » ?

Pellieux, à la question directe qui lui fut posée, répondit franchement qu’il ne le croyait pas[5]. Et c’était l’évidence ; au temps, peu lointain, où les généraux

  1. 22 août 1898 (Cass., II, 170 à 174). — Esterhazy accuse Roget d’avoir fait fabriquer ces rapports de police. (Dép. à Londres, éd. belge, 162)
  2. « Ces cinq témoins ont été entendus à la demande de l’officier objet de l’enquête. » (Procès-verbal de la séance du conseil ; (Cass., II, 180.) De même Esterhazy (Dessous, 45.)
  3. Commandant le 133e régiment d’infanterie, à Belley. (Cass., II, 175).
  4. Cass., II, 181, 184, Esterhazy.
  5. Ibid., 176, Pellieux.