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LA MORT D’HENRY


pourtant pas dire que j’ai fabriqué une pièce que je n’ai pas fabriquée. » Puis, une sottise : « Il aurait fallu aussi fabriquer l’enveloppe… »

On peut croire qu’il attendait quelque intervention de Boisdeffre et de Gonse. Ils restèrent muets, Cavaignac continua de le presser : « Le fait de l’intercalation est certain. — J’ai reconstitué les papiers tels que je les ai reçus. — Je vous rappelle que rien n’est plus grave pour vous que l’absence de toute explication. Dites-nous ce qui s’est passé. Qu’avez-vous fait ? — Que voulez-vous que je vous dise ? — Que vous donniez une explication. — Je ne peux pas. — Le fait est certain ; pesez bien les conséquences de ma question. » Henry, pour toute réponse, répète : « Que voulez-vous que je vous dise ? — Ce que vous avez fait. — Je n’ai pas fabriqué les papiers. — Vous avez mis des morceaux de l’une (des deux pièces) dans l’autre ? »

Henry, se sentant pris, entra enfin dans la voie des aveux, mais, pour une parcelle de la vérité que lui arrachait Cavaignac, lâchant de nouveaux mensonges, les premiers qui venaient à son cerveau en déconfiture et qui d’ailleurs s’effondraient rien qu’à être formulés. Ainsi, fourbant tant qu’il put, il mit seulement son crime en plus de relief.

Il balbutia, d’abord, que, n’ayant pas bien compris quelques mots de la pièce de 1896, il y avait ajouté quelques découpures de l’autre pièce : « J’ai arrangé des phrases : « Il faut pas que on sache jamais… » ; mais la première phrase est exacte (celle où Dreyfus est nommé) ; je vous assure que je n’ai rien fabriqué ; je n’ai pas eu trois pièces à ma disposition, mais seulement deux. » Cavaignac : « Ce que vous dites est contraire à la matérialité des faits. — Je vous dis tout. — Ce n’est pas vrai ; vous avez fabriqué la pièce. — Je vous jure que non. »