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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


Il ne cédait que pas à pas. Ainsi, la phrase qu’il avait seulement « arrangée », il consentait qu’il l’avait ajoutée : « Je l’ai faite pour donner plus de poids à la pièce. » Cavaignac : « Quels sont les mots que vous avez fabriqués ? — Je ne me rappelle plus ; j’ai décollé une partie de la pièce de 1894, pas la pièce entière. J’ai fabriqué une partie de la dernière phrase. — Vous avez fabriqué la pièce entière. — Je vous jure que non. »

Les parjures ne lui avaient jamais rien coûté ; il les prodigua. Tout le long de l’interrogatoire : « Je vous jure que non ! » — « Vous ne dites pas la vérité… » passent comme un leit-motiv.

« Vous avez fait la deuxième pièce en vous inspirant de la première. — Je vous jure que non. Je jure que le commencement de la lettre est bien authentique. — Le commencement a été inventé aussi ; mais dites donc toute la vérité ! — Non, je n’ai mis que la dernière phrase… — Avouez, puisque les pièces parlent d’elles-mêmes. — Il y a des mots dans le corps de la lettre qui viennent de l’autre, mais le commencement de la lettre est de l’écriture même de Panizzardi… »

Cavaignac, qui ne pouvait admettre qu’un faux où il s’était laissé prendre fût stupide, en avait conclu qu’Henry n’avait pas été seul à le combiner. Par trois fois, il lui posa la question : « Qui vous a donné l’idée de ces arrangements ? » Henry n’eût pas mieux demandé que d’en partager la gloire avec un autre ; mais qui accuser sans empirer son cas ? Il répondit donc à chaque fois, d’abord avec un peu d’hésitation, que, seul, il avait eu l’idée.

« Mes chefs étaient très inquiets, je voulais les calmer, faire naître la tranquillité dans les esprits. Je me suis dit : « Ajoutons une phrase ; si nous avions une preuve dans la situation où nous sommes ! » D’ailleurs, per-