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BRISSON


ouverts, que la revision s’imposait, puisque le principal accusateur de Dreyfus, en 1894, était un faussaire[1].

On a lu la lettre de Pellieux réclamant sa mise à la retraite. Zurlinden prit sur lui de ne pas la transmettre à Cavaignac[2]. Ce qui en faisait la gra-

  1. Conversation du 31 août 1898 avec Chovet, maire de Compiègne et sénateur de l’Oise ; lettre de Chovet à Joseph Fabre du 22 avril 1899. — Gallet, en 1894, avait fait sa conviction de trois preuves : l’écriture du bordereau, la pièce Canaille de D… et la déposition d’Henry. Il s’inquiéta toujours du mobile, en parla, en 1895, à Picquart qui lui répondit « qu’il (Gallet) ne connaissait pas certains juifs de Mulhouse ». Quand il vit, en 1897, l’écriture d’Esterhazy, il ne douta plus que le bordereau fût de lui. Gonse essaya de le rassurer, lui parla d’une nouvelle pièce où Dreyfus était nommé. Gallet le dit à Henry, qui se fâcha du bavardage de Gonse : « Du temps de Miribel, cela ne se serait pas passé ainsi. » À partir du procès Zola, il comprit que la pièce Canaille de D… ne s’appliquait pas à Dreyfus. Il croyait d’ailleurs se souvenir que la pièce secrète qu’il avait vue portait comme dans le texte publié par l’Éclair : « Cet animal de D… devient bien exigeant. » Enfin, avec le faux d’Henry, la dernière preuve, le témoignage d’Henry croulait : « le plancher s’effondrait sous ses pieds. » [Confession (inédite) d’un Juge.].
  2. C’est ce que déclare formellement Cavaignac. (Chambre des députés, et 7 avril 1903.) Zurlinden a varié dans ses récits. Le 4 juin 1899, lors de l’enquête du général Duchêne sur les actes du général de Pellieux, Zurlinden écrit au ministre de la Guerre, Galliffet : « C’est à la suite d’un entretien avec M. Cavaignac, alors ministre de la Guerre, que le général de Pellieux a retiré sa demande du 31 août 1898. » Cette lettre de Zurlinden fut produite à la Chambre, le 6 avril 1903, par le général André. Le lendemain, 7, Zurlinden écrivit à Cavaignac : « Toutes réflexions faites, voici comme à mon avis doit être rétablie l’affaire de la lettre du général de Pellieux : Je fis venir immédiatement le général de Pellieux… Je conclus en lui disant que je désirais lui donner le temps de réfléchir avant de transmettre sa demande ; que je garderais sa lettre deux ou trois jours et qu’ensuite je la lui renverrais par le général Borius, afin qu’il puisse agir à tête reposée. » — Cette seconde version paraît exacte. — Zurlinden dit qu’il a « peut-être parlé » de l’incident à Roget, mais que « ses souvenirs ne sont pas précis à cet égard » ; en tout cas, il affirme n’avoir pas transmis à Cavaignac la lettre de Pellieux.
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